Accord de sortie de crise, la raison du rejet

Le 21 octobre 2021 a été proposé par le groupe, l’accord de sortie de crise (ASC).

Cet accord traite des points suivants :

  • Chapitre 1 : Dispositions visant à encadrer les négociations obligatoires d’entreprise sur le thème de la rémunération pour 2022.
  • Chapitre 2 : Versement d’un supplément de participation en 2022 au titre de l’exercice 2021.
  • Chapitre 3 : Mesures de modération relatives aux abondements associés aux dispositifs d’épargne salariale Safran.
  • Chapitre 4. Plafonnement d’intéressement société et clause de retour d’activité.
  • Chapitre 5. Engagements relatifs à la progression de l’emploi, des compétences et des recrutements associés.
  • Chapitre 6. Engagements relatifs aux dividendes.
  • Chapitre 7. Neutralisation de l’impact de l’APLD dans le calcul du 13ème mois.
  • Chapitre 8. Clause suspensive d’application.
  • Chapitre 9. Dispositions finales.

 

L’accord de sortie de crise a été validé et signé par 3 syndicats.

Au travers de cet article, nous verrons pourquoi la CGT ne l’a pas signé.

  

Chapitre 1 : Dispositions visant à encadrer les négociations obligatoires d’entreprise sur le thème de la rémunération pour 2022.

C’est un fait, tous les ans, les NAO (Négociations Annuelles Obligatoires) qui doivent être négociées dans chaque entreprise de façon indépendante, sont en réalité cadrées (non officiellement) par le groupe. Pour l’année 2022, le groupe décide d’officialiser la chose en passant par une négociation et un accord couvrant plusieurs sujets.

Cette négociation à lieu en octobre 2021. Le groupe propose plusieurs valeurs, en commençant à 2 % pour finir à 2,8 %. Sur le coup et vu le niveau d’inflation de 1,8 % en octobre 2021, cela semble raisonnable.

Alors pourquoi ne pas être d’accord ?

  • Premièrement, car il était évident que l’inflation allait continuer à monter et que sur la fin d’année elle passerait à 3 %. Les prévisions donnaient la même tendance à la hausse sur le début de l’année 2022. La CGT a alerté sur ce point et a demandé de le prendre en compte pour définir un niveau de NAO plus en adéquation avec le contexte. Sur ce point, les syndicats signataires de l’accord ont refusé de croire la CGT.
  • Deuxièmement, car suite à l’ATA (Accord de Transformation de l’Activité) qui avait gelé les augmentations de salaires (à part les 1 % pour du spécifique), les salariés de Safran, qui en cette période de crise ont accepté de faire les efforts nécessaires pour protéger le groupe Safran, ont vu leur pouvoir d’achat diminuer tout en constatant que le groupe avait maintenu un fort niveau de bénéfice.
  • Troisièmement, car grâce à l’AP et l’APLD (Activité Partielle et Activité Partielle de Longue Durée), le groupe a fait des bénéfices (330M€) alors que les salariés ont perdu du salaire (environ 16 %). Certes il y a eu le dispositif de solidarité du groupe…mais là encore, quelle blague. Ce sont les salariés qui ont intégralement financé ce fond de solidarité. Le groupe n’a pas versé un centime… Quelle générosité de sa part. En revanche, sincèrement merci à toutes celles et tous ceux qui y ont participé.

Il était donc évident que le cadrage proposé par le groupe, était loin d’être suffisant. La CGT pouvait envisager une signature, mais à un cadrage entre 5 et 6 % ce qui était tout à fait possible de la part du groupe. La proposition trop basse à 2.8 % a pourtant été acceptée par les autres syndicats alors qu’il fallait continuer de négocier.

Conclusion : La CGT ne signe pas car on peut obtenir plus, il faut juste s’en donner les moyens.

 

 

Chapitre 2 : Versement d’un supplément de participation en 2022 au titre de l’exercice 2021.

Quel cadeau de la part de Safran que de nous offrir 0.5 % de prime de participation en plus au titre de l’année 2021. Pour rappel, selon l’ATA (Accord sur la Transformation de l’Activité), la participation plus l’intéressement étaient plafonnés à 4 %. Finalement, la participation atteignant 4,5 % il n’y avait pas d’intéressement et le maximum de 4 % de participation était versé.

Alors pourquoi le groupe nous donne 0,5 % de plus ? Par générosité ? Par compassion ? NON, par obligation.

 Le groupe a réalisé que la loi lui interdisait de plafonner la participation et donc que la totalité devait être versée du coup avec les 4 % il manquait un petit bout…0,5 %. Bien entendu, on vous fait croire à travers l’Accord de Sortie de Crise que c’est un cadeau, mais c’est faux…c’est juste la loi… Et il faudrait dire merci ?

Conclusion : Ce chapitre n’apporte rien dans la négociation.

 

Chapitre 3 : Mesures de modération relatives aux abondements associés aux dispositifs d’épargne salariale Safran.

Le groupe Safran est en crise, très grande crise… ? ? Non. Certes le milieu aéronautique est en crise, mais certains acteurs du secteur s’en sortent bien, même très bien. C’est le cas de Safran qui malgré une baisse d’activité et de chiffre d’affaires maintient un fort niveau de rentabilité qui se chiffre à 1,8 milliards d’euros sur 2021.

Les salariés sont privés de 3000€ d’abondement (2000€ sur le PEG et 1000€ sur le PERCO)

Alors pourquoi priver les salariés d’un dispositif d’abondement qui est pour certains un vrai plus dans le maintien de leur pouvoir d’achat alors que dans le même temps on offre aux actionnaires de confortables dividendes.

Conclusion : la CGT ne valide pas ce point. La priorité doit être donnée aux salariés et non aux actionnaires.

 

Chapitre 4 : Plafonnement d’intéressement société et clause de retour d’activité.

Bon, je ne vous refais pas le laïus du paragraphe précédent…Safran est en crise… ☹. Gagner 1,8 Mds€, c’est bien, mais pas assez.

Donc, il faut se serrer la ceinture et accepter qu’on coupe la tête à notre amie la prime d’intéressement si le groupe Safran ne parvient pas à augmenter ses bénéfices de 1,9 %. On ne parle pas de baisse des bénéfices, ce qui soit dit en passant ne mettrait pas Safran dans le rouge, mais bien de hausse.

En clair, si Safran ne gagne pas plus alors vous gagnerez moins. C’est équitable non ?

Et combien doit-on gagner de moins ? 2 % de la masse salariale soit une prime amputée de 28 % de sa valeur.

Exemple : sur une prime de 2500€, vous perdez 715€.

Encore une fois, on limite le pouvoir d’achat des salariés au profit de celui des actionnaires. Étrangement, on se demande qui en a le plus besoin ?

Conclusion : La CGT ne cautionne pas cette vision du partage des richesses, richesses acquises par les salariés.

 

Chapitre 5. Engagements relatifs à la progression de l’emploi, des compétences et des recrutements associés.

Je vais schématiser mais l’histoire du déroulé des négociations est bien celle-là :

 

  • 1ère réunion : la Direction Safran menace de licencier 2000 salariés si personne ne signe l’accord.
  • 2ème réunion : un peu de confusion et plus aucune menace sur des licenciements…
  • 3ème réunion : la Direction Safran menace de ne pas embaucher 2000 salariés sur les 2 prochaines années.

 

Voilà, c’est le petit coup de chantage. Celui qui fait normalement basculer la négociation, menace de licenciements… pas d’embauche. Hélas pour le groupe Safran, la conjoncture aéronautique étant à l’amélioration, ce n’est pas un accord qui oblige le groupe à réembaucher (je rappelle que Safran s’est séparé d’environ 5000 salariés en France et 15000 salariés à l’international) mais bien le contexte de reprise de l’activité. Donc avec ou sans cet accord, Safran devra embaucher au moins 2000 salariés en France.

 

Conscient de la faiblesse de cette menace, la Direction Safran rajoute 2 petites mesures :

 

  • L’accueil d’alternants, 2300 par an pour être précis. C’est bien, c’est même très bien. C’est aussi un besoin pour le groupe d’avoir ces alternants et non un effort à faire. Mais ne boudons pas notre plaisir d’accueillir à nouveau nos étudiants qui ont été sacrifiés sur l’autel du Covid.
  • Après la jeunesse…(Pardon). L’accord « Séniors » est prolongé d’une année. Là encore saluons la générosité du groupe Safran qui après avoir ces dernières années, réduit l’accord Séniors au strict minimum, se targue de le maintenir tout en l’utilisant comme appât pour ferrer le poisson.

Vous l’aurez compris, bien peu d’avantages proposés par la Direction Safran en contrepartie des sacrifices que doivent consentir les salariés. L’équilibre n’y est pas, mais alors vraiment pas.

Conclusion : la CGT ne se laisse pas berner par les manipulations de la Direction Safran

 

Chapitre 6. Engagements relatifs aux dividendes.

Alors là « bravo » … Faire passer ce qui devrait être fait de façon naturelle comme quelque chose d’exceptionnel (la manière dont le Conseil d’Administration de Safran étudie la question des dividendes) et du coup l’inclure dans un accord pour nous faire croire que la réflexion sur l’attribution de dividendes aux actionnaires sera menée de façon honnête :

 

  • Si la Direction Safran devait être honnête, elle restituerait à l’état français, les 330M€ perçus au titre de l’activité partielle et qui sont directement transformés en bénéfices.
  • Si la Direction Safran devait être honnête, elle ne chercherait pas à faire passer un Accord de Sortie de Crise en urgence et avant l’annonce des résultats du groupe (résultats excellents, rappelons-le) qui prive les salariés de ce qui leur est dû et fait baisser leur pouvoir d’achat.

De plus, la tournure de phrase de ce chapitre est clair : « Il sera proposé » … Cela n’engage à aucune obligation, aucun résultat. C’est une mascarade !

Conclusion : sans engagement réel, il n’y a aucun intérêt à valider cette clause. La CGT ne signe pas.

 

Chapitre 7. Neutralisation de l’impact de l’APLD dans le calcul du 13ème mois.

Voilà peut-être le seul chapitre intéressant de cet accord. En clair, le groupe Safran propose de maintenir la prime de 13ème mois. Etant donné qu’il s’agit d’une prime, le groupe pourrait ne pas la verser, c’est donc de sa part un geste de générosité.

Mais, parce qu’il y a un (des) mais :

  • Toutes les sociétés françaises du groupe ne sont pas concernées par le 13ème En effet, cette mesure n’est pas uniformisée sur tout Safran. Donc, ce chapitre ne touche pas tous les salariés français de Safran.
  • Dans certaines sociétés, dont la nôtre, là aussi le principe du 13ème mois n’est pas uniforme. Pour certains d’entre nous c’est une prime mais pour d’autres, c’est un élément de salaire car la prime est globalisée dans le salaire annuel, c.à.d. qu’on ne peut pas ne pas la payer car cela reviendrait à baisser votre salaire.

 

Certes, il est important de maintenir le 13ème mois, mais cette clause ne concerne pas tous les salariés.

Conclusion : La CGT valide cette proposition tout en soulignant le manque d’uniformité de la mesure.

 

Chapitre 8. Clause suspensive d’application.

La voilà, la petite clause de chantage. Celle qui doit nous mettre la pression car si nous ne signons pas, nous serons punis.

Ici, c’est au niveau de chaque société du groupe qu’il faut, à travers un avenant à l’accord d’intéressement, valider la fourberie des chapitres 1 et 5.

Étant donné qu’au final, l’accord de sortie de crise a été signé par 3 syndicats, il revient aux Délégués Syndicaux de chaque entreprise de prendre la responsabilité de refuser ou non le cadrage des NAO. Et derrière ça, la menace était claire : si vous ne signez pas, vous aurez encore moins que le cadrage de 3 % (avec un peu de chance, la moitié) et vous serez isolés pour vous défendre car cela aura été validé au niveau du groupe (diviser pour mieux régner).

Conclusion : La CGT ne signe pas car le chantage n’est pas une méthode honnête et force à la signature au lieu de favoriser un dialogue constructif.

 

Chapitre 9. Dispositions finales.

Les articles 9.1, 9.2 et 9.5 sont des points de législation tout ce qu’il y a de plus classique.

 

C’est l’article 9.3 qui est particulièrement intéressant. C‘est la fameuse clause de revoyure. Enfin de revoyure, pour ceux qui ont bien voulu y croire.

Je vous invite très fortement à aller sur cet article Revoyure…vous avez dit revoyure ? ? pour bien comprendre comment on nous (vous) prend pour des … (désolé, il serait malpoli de dire le mot).

 

L’article 9.4 « Clause d’espérance ». En gros, une fois l’accord arrivé à son terme, nous serons gagnés par l’espoir. Celui de peut-être avoir une meilleure redistribution des richesses.

Nous vivrons vieux car l’espoir fait vivre.

Conclusion : la CGT n’est pas dupe et ne se laisse pas avoir aussi facilement.

 

La Conclusion

 

Tous ces points seraient entendables si le groupe Safran était vraiment en crise. Certes nous sommes face à des difficultés, mais Safran, tout en y faisant face n’est pas en crise. Les salariés le sont eux…crise du pouvoir d’achat, crise de nerf, crise de manque de reconnaissance… Les salariés eux, souffrent et le groupe, même s’il fait des choses, ne les fait pas à hauteur de ce qu’il peut et de ce qu’il faut.

 

Pour rappel, les salariés ont accepté de fournir des efforts durant les 2 années de crise qui s’achèvent. Alors même que Safran maintenait de très bon résultats.

 

Avec la reprise de l’activité, l’augmentation des profits du groupe, le versement de dividendes aux actionnaires, la vision de la Direction Safran est qu’il n’est pas nécessaire de valoriser, récompenser voir tout simplement rétribuer à leur juste valeur les salariés du groupe Safran. C’est inacceptable, insupportable.

 

Pourtant, cette vision a été partagé par 3 syndicats, la CFDT, la CFE-CGC et FO. Ils ont même validé cet accord et apposé leurs signatures dessus.

 

A l’origine, les syndicats défendaient les salariés…pas les actionnaires.

Il faut croire que les temps changent ! !

 

Alors chères et chers collègues, n’hésitez pas à demander des explications à ces syndicats. Ils trouveront bien quelques excuses à vous donner…et quelques excuses à vous faire.

Et n’hésitez à venir à notre rencontre pour échanger sur les sujets qui vous impactent au quotidien.

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Publié le :
25 octobre 2022