LES AILES BRULÉES
Les grands actionnaires des sociétés d’aéronautique et leurs hommes liges que sont les PDG et les comités de Direction, semblent tous se rire de la légende d’ICARE.
Selon la légende, celui-ci, faisant fi des conseils de son père, l’ingénieur Dédale, grisé par son vol, voulut monter de plus en plus haut et se brûla les ailes.
N’est-ce là qu’une légende rapportée par les Évangiles ? À voir…
SAFRAN : JOURNÉE DES INVESTISSEURS LE 5 DÉCEMBRE 2024
Lors de cette journée dite CMD (Capital Market Day), on n’y parlait pas de social, encore moins du personnel, mais de capital et d’actions.
Devant un parterre d’actionnaires et de représentants de fonds d’investissement, le DG de SAFRAN s’est livré à l’exercice visant à séduire tous ces personnages intéressés uniquement par l’argent.
Notre Directeur ne les a pas déçus.
Pour les prévisions 2024-2028, il promet : « l’augmentation du retour aux actionnaires ».
Ces derniers ont dû dresser l’oreille, méfiants par nature, ils ont dû se poser deux questions : D’où tirera-t-il l’argent de sa promesse ? How much / Combien?
Le DG connaît son monde, et précise, sans qu’il soit besoin de lui poser des questions :
- Safran disposera d’un cash-flow libre compris entre 15 et 17 milliards €.
- Safran prévoit de leur en « restituer » 70% soit 11,2 milliards € de cette façon:
- En dividendes à la hauteur de 40 % du résultat net soit 1,09 milliards €/an.
- En rachat d’actions pour 5 Md € pour annulation soit 1,15 milliards €/an. (En plus du programme exécuté en 2024 d’achat-annulation pour 750 millions €)
Comprenant qu’une manne leur tomberait pendant les cinq prochaines années, l’assistance des actionnaires a dû avoir envie d’applaudir à l’annonce de ces bonnes nouvelles.
Le personnel, lui, comprend que le fruit de son travail sera absent des négociations salariales, pour finir dans les poches des actionnaires.
En revanche, les salariés habitués à économiser jusqu’au dernier euro se posent des questions : qu’est-ce que ce cash-flow libre ?
Comment peut-on s’enrichir en détruisant 5,75 milliards d’actions, soit plus d’un milliard par an ?
Le cash flow libre
C’est en gros la trésorerie dégagée par l’activité de la société, après que tout soit payé, donc libre.
Libre pour investir dans un nouveau programme moteur ou libre pour verser au personnel ou libre pour verser aux actionnaires.
Cette dernière utilisation a été choisie par Safran, à l’instar les autres grandes sociétés comme BOEING, AIRBUS ou DASSAULT AVIATION.
COMMENT S’ENRICHIR AVEC LE RACHAT-ANNULATION D’ACTIONS ?
C’est très simple ! L’actionnaire fait acheter en bourse, par la société qu’il contrôle, ses propres actions.
L’actionnaire ne débourse rien : l’achat est payé avec les bénéfices, fruit du travail des salariés. Puis, il fait annuler les actions ainsi achetées. Cela réduit leur nombre et fait augmenter le dividende par action (bénéfice/nombre d’actions). Jusqu’au jour où…
JUSQU’AU JOUR OÙ… BOEING
L’avionneur américain, leader mondial de l’aviation civile, a pratiqué pendant des années cette politique de rachat-destruction d’actions au profit de ses actionnaires.
Jusqu’au jour où le géant constructeur commença à donner des signes inquiétants. Deux crashs de son best-seller B737 alertèrent le monde entier. Des portes se détachèrent en plein vol… La FAA, organisme de contrôle US commença à douter des produits Boeing.
L’origine de cette décadence fut assez vite trouvée. La revue US Leeham News, peu suspecte de parti pris, en parle dans un article en date du 26/04/2021 :
« L’histoire de Boeing au cours du dernier quart de siècle favorise la valeur pour les actionnaires au détriment du développement des avions.
Dividendes. Rachats d’actions. Valeur pour l’actionnaire. Tel est le mantra depuis la fusion McDonnell Douglas de 1997 qui a radicalement changé Boeing pour le pire.
De 1998, l’année suivant l’entrée en vigueur de la fusion, à la suspension des rachats d’actions en 2020, Boeing a dépensé 63,5 milliards de dollars. Cela équivaut, aux coûts d’aujourd’hui, à environ quatre programmes de gros porteurs et cinq à six programmes de petits porteurs. Les dividendes versés s’ajoutent à ce chiffre. »
Jusqu’au jour où, comme en 2024, le personnel excédé de voir l’argent filer dans la poche des actionnaires, au détriment du personnel et des investissements se mit en grève. Après sept semaines, les 33 000 salariés grévistes obligèrent les dirigeants à négocier sur la base de 40 % d’augmentation de salaire sur quatre ans.
Jusqu’au jour où BOEING s’est brûlé les ailes…
AVEC LE CASH FLOW LIBRE, IL Y AURAIT MIEUX À FAIRE CHEZ SAFRAN
Safran bénéficie du formidable héritage du CFM56, transmis par les dirigeants illustres comme René Ravaud, soutenu par la CGT et certains pouvoirs publics de l’époque.
Le cash-flow libre dont se prévaut le DG devant les actionnaires ne serait-il pas mieux orienté vers des investissements préparant l’avenir, ainsi que la suite de l’héritage laissé par Snecma.
Dans ces investissements, un budget conséquent dédié aux parties chaudes des moteurs militaires serait judicieux. N’oublions pas que les avancées technologiques sur ce type de moteurs permettent le plus souvent une amélioration des performances et une diminution de la consommation des futurs moteurs civils grâce à la réutilisation de ces technologies.
L’État et Safran sont devant un choix décisif :
- Ou ce choix sera fait au profit des actionnaires et on se brûlera les
- Ou ce choix sera fait en investissement industriel et social comme le défend la CG
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