La mobilisation que nous avons initiée le 5 décembre est inédite. Elle a déjoué toutes les stratégies de division du gouvernement et rassemble. Encadrement ou exécution, public ou privé, seniors ou jeunes actifs…Toutes et tous se sont retrouvé.e.s lors des journées d’action. Enseignant.e.s, avocat.e.s, soignant.e.s, les professions qualifié.e.s ont rarement été aussi mobilisées. Des secteurs entiers sont en grève reconductible, à l’image de la SNCF, de la RATP, de l’Opéra de Paris, Radio France, ou encore de l’énergie. Notre mobilisation est suivie et soutenue à l’international par des millions de salarié.e.s: des centaines de syndicats nous ont adressé leur soutien, convaincus que l’issue de notre mobilisation pèsera sur la situation sociale de leur pays.
Nous avons d’ores et déjà marqué des points importants.
D’abord, notre mobilisation a forcé le gouvernement à dévoiler sa réforme avant les élections municipales et a permis de lever le voile sur son contenu. L’objectif n’est pas l’ « équité » et la fin des « privilèges » dont jouiraient certains salariés, mais la mise en place d’un pilotage automatique pour baisser les pensions et reculer en permanence l’âge de départ en retraite. Le maintien du niveau de vie ne serait plus garanti, et les salarié.e.s solvables seraient poussés pieds et poings liés vers la capitalisation.
Comme nous l’avons révélé, l’exclusion des cadres supérieurs de la répartition intégrale priverait notre système de retraite solidaire de leurs cotisations, soit en moyenne de 4 milliards d’euros chaque année. La réforme du gouvernement creuse donc les déficits ! Les vrais bénéficiaires de la réforme apparaissent maintenant à visage découvert : les banquiers, les assureurs et les différents gestionnaires d’épargne retraite, Black Rock en tête. C’est ce qui nous a permis de gagner la bataille de l’opinion, avec, malgré les manœuvres du gouvernement, une large majorité de la population opposée à la réforme des retraites.
Enfin, l’intersyndicale s’est élargie à la CFE-CGC, et malgré les tentatives de diversion du gouvernement avec la vraie fausse suspension de l’âge pivot, la majorité des organisations syndicales exige toujours le retrait du texte. Et pour cause
L’étude du projet de loi démontre un hold up démocratique inédit.
L’essentiel des dispositions sont renvoyées à des ordonnances ou à des décrets. Les parlementaires seront donc sommés de voter un texte à trous. Aucune étude d’impact sérieuse, pas de trajectoire financière et encore moins de simulations individuelles, alors que les « concertations » avec les organisations syndicales durent depuis 2 ans.
De l’amateurisme ? Non, une volonté d’occulter les effets de la réforme et la prise en main technocratique de nos retraites. Le projet de loi met en place un pilotage automatique : alors qu’aujourd’hui, pour modifier un paramètre (reporter l’âge de départ, allonger les annuités, désindexer les pensions…) il faut faire voter une loi, demain, il n’y aurait plus besoin de réforme.
Nous n’aurons plus aucune garantie du montant de notre pension par rapport à notre dernier salaire et la valeur du point sera connue seulement au moment du départ en retraite. La prise en compte de toute la carrière au lieu des meilleures années pénalisera particulièrement celles et ceux qui ont une carrière ascendante, et le montant de pension décrochera totalement du salaire de fin de carrière. Le projet de loi permet même de baisser des pensions déjà liquidées car il n’y a même pas d’obligation de les revaloriser au niveau de l’inflation !
Nous refusons le statut quo.
Pour assurer une retraite aux nouvelles générations, nous proposons la validation des années d’études, la fin des inégalités femmes/hommes, la reconnaissance des qualifications et une vraie prise en compte de la pénibilité. La fin de l’austérité salariale dans la fonction publique, l’égalité salariale femmes-hommes et des mesures résolues pour lutter contre le chômage et la précarité permettraient de dégager des ressources conséquentes pour financer nos retraites. Augmenter les cotisations est un levier simple et immédiat. Pour un salaire mensuel de 2500€, il suffirait d’augmenter les cotisations mensuelles de 10€ pour financer la retraite à 60 ans avec 75% du dernier salaire.
Ceci démontre qu’il s’agit bien d’un choix de société. Alors que 50% des salarié.e.s sont au chômage au moment de prendre leur retraite, augmenter encore la durée de travail serait un non-sens économique, social et sociétal. Encadrants, nous connaissons la, difficulté des gestions de fin de carrière. Nous ne sommes pas dupes : le patronat est à l’affut pour baisser les salaires des seniors qualifié.e.s et remettre en cause les déroulés de carrière.
Après une durée de conflit inédite, les salarié.e.s des secteurs les plus mobilisés sont sous pression financière pour continuer la grève reconductible. Est-ce à dire, comme le clame partout le gouvernement, que la mobilisation est terminée ? Au contraire, elle rentre dans une nouvelle phase car le projet de loi n’a même pas passé l’étape du conseil des ministres. Les débats parlementaires, même limités au plus strict par le gouvernement, dureront encore jusqu’au mois de mai, avec au milieu les élections municipales. Le gouvernement a réussi à faire l’unité des forces de gauche, qui exigent toutes le retrait du texte et ont formulé des propositions alternatives.
À nous maintenant de construire ensemble les suites de la mobilisation.
Il nous faut mettre chaque parlementaire en face de ses responsabilités et exiger qu’ils ne votent pas ce texte de régression sociale. L’intersyndicale nationale (CGC – CGT – FO – FSU – Solidaires) va continuer à appeler à des temps forts de grève et de manifestation pour lesquels il nous faudra être les plus nombreux possible. De nouveaux secteurs rentrent dans la danse.
Au-delà, la diversité des modes d’action doit nous permettre de continuer à déjouer tous les pronostics du gouvernement : jeté de parapluie des salarié.e.s de Météo France, démission collective des médecins hospitaliers, lancé de Robe des avocat.e.s, chorégraphie des femmes sur «A cause de Macron » …autant d’actions qu’il nous faut décupler. Grève du zèle et des heures supplémentaires, grève des tâches administratives, port de signes distinctifs…nous avons les moyens d’inscrire notre mobilisation dans la durée pour gagner.
Rappelons que la grève est un droit pour tou.te.s les salarié.e.s, quel que soit le niveau de responsabilité. Contrairement à l’état d’esprit entretenu de grève par délégation, quel que soit notre secteur ou nos fonctions, la grève pèse et permet de se faire voir et entendre et démontre aux directions la détermination des salarié.e.s.
En 2006, c’est au bout de 3 mois et demi de mobilisation que nous avons gagné le retrait du CPE. Rien n’est écrit d’avance, l’issue du mouvement dépend de chacune et chacun d’entre nous ! A nous de l’écrire et de la construire ensemble !