La Nouvelle Convention Collective (NCC) a balayé 50 ans d’avancées sociales et remis en cause tous nos repères. Nombre d’accords sont devenus caduques et les négociations se sont multipliées pour essayer de transposer nos conquis dans ce nouveau système. S’il est difficile de tout identifier, il est un sujet que nous avons très vite vu : l’impact sur les grilles de salaires.
Classification et salaires
Dans l’ancien système, le salarié avait une classification avec un niveau, échelon et coefficient. Cette classification reposait sur ses diplômes, son expérience et son parcours professionnel. Elle reconnaissait le salarié et ses compétences. Le coefficient permettait, en le multipliant par une valeur de point de la métallurgie, de connaître le salaire minimum applicable. A Safran HE, un autre système de points, les points TM, venait compléter ce dispositif pour établir les salaires applicables aux ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise.
Pour les ingénieurs et cadres, la classification reposait elle aussi sur les diplômes, l’expérience et le parcours professionnel, reconnaissant le salarié et ses compétences et une grille de minima de salaire définie par la convention collective nationale était applicable.
Pour l’ensemble des salariés, l’évolution de la classification comprenait des passages « automatiques » et d’autres en fonction de l’expérience au poste, de la formation continue ou des mobilités. Les « promotions » traduisaient l’évolution de carrière à travers la progression de la classification et les augmentations de salaire.
Avec la NCC, tout est cassé !
La NCC supprime la classification des salariés et met en place une « classe » liée à l’emploi.
La NCC ne parle ni de métier, ni de poste, ni de travail. Alors la distinction entre « travail prescrit » et « travail réel », c’est à des années lumières ! Mais nous n’allons pas refaire cette négociation dans laquelle la CGT portait d’autres orientations. Il nous faut à présent porter la réalité du terrain et chercher des voies détournées dans un cadre qui ne nous aide pas.
Avec la notion d’emploi, on met dans des cases et on classe sur 60 points, 6 critères et 10 niveaux par critère, des salariés avec des métiers proches ou différents, des manières de l’exercer hétérogènes et des parcours dont la diversité et la complémentarité enrichissent le collectif de travail.
Et ce classement n’évolue pas dans le temps ! Les salariés montent en compétences mais cela ne change rien. La grille de salaire est figée sur des minima. Et les minima des premières classes emploi sont déjà en dessous du SMIC !
Reconstruire en 3 chapitres
La genèse de l’accord sur les minima de salaire (AMS), c’est la grille ouvrier de Turboméca. C’est en regardant comment retranscrire cette grille dans la NCC que nous avons vu la nécessité d’un accord spécifique. La grille ETAM est un vieux serpent de mer, un marronnier des NAO, toujours promise et jamais créée. Et en comparant l’ancienne grille des ingénieurs et cadres avec la nouvelle, ce fut une confirmation. La grille de l’AMS, c’est pour maintenir les niveaux d’embauche et de mobilité d’avant la NCC. C’est le chapitre 1.
Lors de la première réunion d’adhérents sur ce projet, ils nous ont encouragés dans cette voie. Ils ont aussi mis l’accent sur la reconnaissance au poste et l’évolution de carrière. A partir des ces échanges, nous avons construit un système qui valorise l’expérience et le parcours professionnel. C’est le chapitre 2.
Les planchers de la NCC sont renégociés chaque année entre l’UIMM et les organisations syndicales. Si les minima des premières classes emploi sont en dessous du SMIC, c’est parce que dès la deuxième année, l’évolution du SMIC a précédé la renégociation des planchers. Par la suite, les organisations syndicales signataires de cette NCC ont même refusé les trop faibles propositions du patronat. Nous voyons chaque année à Safran une enveloppe NAO au rabais, c’est du même ordre à l’UIMM ! Pour ne pas voir nos planchers s’éroder, nous les avons indexés sur le coût de la vie. Mais il faut aussi indexer les salaires si nous ne voulons pas qu’ils soient rattrapés par ces planchers. C’est le chapitre 3.
Ce projet d’accord à mûri à Safran HE, dans le syndicat CGT. Et quand nous l’avons partagé avec les autres syndicats CGT du groupe Safran, ça a beaucoup plu et d’autres veulent emboîter le pas !
A Safran Power Units (ex-Microturbo), nos copains sont tellement intéressés qu’ils ont suggéré d’en faire un accord commun à Safran Helicopter Engines et à sa filiale Safran Power Units. Quelle excellente idée !
Vous connaissez à présent l’histoire du projet AMS, parlons maintenant de son contenu.
Chapitre 1 : Rétablir nos planchers

La première chose qui saute aux yeux, ce sont les écarts entre ce qui se pratiquait avant et ce qui est possible à présent. Nous avons précisé la manière dont nous avons calculé et les correspondances entre Niveau-Echelon et classe emploi. Sans cet accord, il est possible de baisser de 15% à 48% les seuils d’embauche !
"Vous êtes alarmistes et ce n'est ni la volonté de l'entreprise, ni la stratégie RH"
Si la volonté de l’entreprise est de conserver les mêmes niveaux de salaires, alors signons tout de suite la grille AMS !
Elle ne fait que transcrire dans le nouveau système ce qui existait avant la NCC.
Chapitre 2 : Valoriser l’expérience et le parcours professionnel

Il est évident que l’on commence par se former à un nouveau poste, que la complexité des travaux s’accroit avec l’expérience, que l’on gagne en autonomie et qu’avec le temps, on devient une forme de « référent », un collègue sur lequel les autres s’appuient, qui les aide à progresser. C’est la vraie vie ! Mais une fois que l’on a mis tout le monde dans la même case, comment valoriser l’expérience ?
Le projet AMS propose de valoriser ces étapes avec des augmentations minimales.
Nous disons bien minimales car rien n’interdit d’avoir des augmentations supérieures …
De même, le parcours professionnel, les postes et les expériences passées enrichissent la contribution au sein d’un collectif de travail. Alors, n’imaginons pas que notre salaire puisse baisser en cas de mobilité vers un poste moins bien classé.
Enfin, la NCC prévoit une « rampe de lancement » pour les emplois F11 et F12 de moins de 6 ans d’expérience. Pour les Ingénieurs en sortie d’école, l’UIMM ne veut pas reconnaitre votre diplôme et vous paye en dessous du plancher.
Vous vous rappelez du CIP de 1994 et du CPE en 2006 ?
Ces lois proposées par des gouvernements de droite avec de super idées telle le « SMIC jeune » ?
Découvrez l’annexe 6 de la NCC : L’UIMM l’a fait !
Avec l’accord AMS, cette « rampe de lancement » ne s’appliquera pas !
Chapitre 3 : Pour des salaires indexés

Nous créons, par notre travail, la richesse et la part qui nous revient diminue.
Dans cette part, on nous fait miroiter de la participation et de l’intéressement. Au moment du COVID, ces parts aléatoires ont été les premières supprimées. Quand l’écart entre la part des salariés et celle des actionnaires devient trop indécent, la Direction agite une Prime de Partage de la Valeur, qui ne lui coûte pas grand chose et qu’elle peut réutiliser chaque année, comme un joker.
Seul le salaire est pérenne !
Le salaire est la contrepartie pour le travail fourni. Nous comptons dessus pour vivre et c’est pour cela que nous revendiquons, à chaque NAO, des augmentations générales égales ou supérieures à l’inflation. Nous revendiquons, à chaque NAO, des augmentations individuelles qui permettent une évolution de carrière. Et la Direction rogne, années après années, sur l’enveloppe totale. Ce n’est pas propre à Safran et c’est une volonté globale de l’UIMM comme l’échec des négociations sur les planchers NCC le démontrent.
Ne comptons par sur la « générosité » des actionnaires pour maintenir notre niveau de vie !
L’AMS indexe les planchers et les salaires sur le coût de la vie.
"C'est impossible ! Vous ne vous rendez pas compte de l'impact de l'AMS pour l'entreprise !"
C’est possible !
L’indexation des salaires sur l’inflation existait en France jusqu’au début des années 80. Notre entreprise existait déjà et l’indexation des salaires a donc été appliquée. Ce système existe toujours en Belgique et nous ne sommes pas plus cons que les belges !
L’impact de l’AMS sur l’entreprise ?
Regardons les résultats de l’entreprise : très bons et même très très bons. Les perspectives : très bonnes elles aussi. Les performances financières et la part qui remonte aux actionnaires : INDÉCENTES !